En cette fête de la Nativité de Notre-Dame, avec Charles Péguy,
adressons notre prière « À Celle qui intercède… »
« … À Celle qui intercède,
La Seule qui puisse parler de l’autorité d’une mère.
S’adresser hardiment à Celle qui est infiniment pure
Parce qu’aussi Elle est infiniment douce…
À Celle qui est infiniment riche
Parce qu’aussi Elle est infiniment pauvre.
À Celle qui est infiniment haute
Parce qu’aussi Elle est infiniment descendante.
À Celle qui est infiniment grande
Parce qu’aussi Elle est infiniment petite.
Infiniment humble.
Une jeune mère.
À Celle qui est infiniment jeune
Parce qu’aussi Elle est infiniment mère…
À Celle qui est infiniment joyeuse
Parce qu’aussi Elle est infiniment douloureuse…
À Celle qui est infiniment touchante
Parce qu’aussi Elle est infiniment touchée.
À Celle qui est toute Grandeur et toute Foi
Parce qu’aussi Elle est toute Charité…
À Celle qui est Marie
Parce qu’Elle est pleine de grâce.
À Celle qui est pleine de grâce.
Parce qu’Elle est avec nous.
À Celle qui est avec nous
Parce que le Seigneur est avec Elle ».
Ainsi soit-il.
La Prière de Charles Péguy « Rien n’est beau comme un enfant qui s’endort en faisant sa prière, dit Dieu »
« Rien n’est beau comme un enfant qui s’endort en faisant sa prière, dit Dieu.
Je vous le dis, rien n’est aussi beau dans le monde. Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau dans le monde, et pourtant j’en ai vu des beautés dans le monde et je m’y connais.
Ma création regorge de beautés. Ma création regorge de merveilles.
Il y en a tant qu’on ne sait pas où les mettre. J’ai vu les millions et les millions d’astres rouler sous mes pieds comme les sables de la mer.
J’ai vu des journées ardentes comme des flammes ; des jours d’été de juin, de juillet et d’août.
J’ai vu des soirs d’hiver posés comme un manteau.
J’ai vu des soirs d’été calmes et doux comme une tombée de paradis tout constellés d’étoiles.
J’ai vu ces coteaux de la Meuse et ces églises qui sont mes propres maisons. Et Paris et Reims et Rouen et des cathédrales qui sont mes propres palais et mes propres châteaux, si beaux que je les garderai dans le ciel.
J’ai vu la capitale du royaume et Rome capitale de la chrétienté.
J’ai entendu chanter la messe et les triomphantes vêpres.
Et j’ai vu ces plaines et ces vallonnements de France qui sont plus beaux que tout. J’ai vu la profonde mer, et la forêt profonde, et le cœur profond de l’homme.
Or je le dis, dit Dieu, je ne connais rien d’aussi beau dans tout le monde qu’un petit enfant qui s’endort en faisant sa prière sous l’aile de son ange gardien et qui rit aux anges en commençant de s’endormir ; et qui déjà mêle tout ça ensemble et qui n’y comprend plus rien ; et qui fourre les paroles du « Notre Père » à tort et à travers pêle-mêle dans les paroles du « Je vous salue Marie » pendant qu’un voile déjà descend sur ses paupières, le voile de la nuit sur son regard et sur sa voix.
J’ai vu les plus grands saints, dit Dieu.
Eh bien je vous le dis je n’ai jamais vu de si drôle et par conséquent je ne connais rien de si beau dans le monde que cet enfant qui s’endort en faisant sa prière (que ce petit être qui s’endort de confiance) et qui mélange son « Notre Père » avec son « Je vous salue Marie ».
Rien n’est si beau, et c’est même un point où la Sainte Vierge est de mon avis là-dessus. Et je peux bien dire que c’est le seul point où nous soyons du même avis. Car généralement nous sommes d’un avis contraire, parce qu’elle est pour la miséricorde et moi il faut bien que je sois pour la justice.
Amen ! »
La Prière de Charles Péguy « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance »
« La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance.
La Foi ça ne m’étonne pas. Ce n’est pas étonnant. J’éclate tellement dans ma création. La Charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas. Ça n’est pas étonnant. Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu’à moins d’avoir un cœur de pierre, comment n’auraient-elles point charité les unes des autres ?
Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’Espérance. Et je n’en reviens pas.
L’Espérance est une toute petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière. C’est cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversa les mondes révolus.
La Foi va de soi. La Charité va malheureusement de soi. Mais l’Espérance ne va pas de soi. L’Espérance ne va pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il faut être bienheureux, il faut avoir obtenu, reçu une grande grâce. La Foi voit ce qui est. La Charité aime ce qui est. L’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera. Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé. Sur la route montante. Traînée, pendue aux bras de des grandes sœurs, qui la tiennent par la main, la petite espérance s’avance. Et au milieu de ses deux grandes sœurs elle a l’air de se laisser traîner. Comme une enfant qui n’aurait pas la force de marcher. Et qu’on traînerait sur cette route malgré elle. Et en réalité c’est elle qui fait marcher les deux autres. Et qui les traîne, et qui fait marcher le monde. Et qui le traîne. Car on ne travaille jamais que pour les enfants. Et les deux grandes ne marchent que pour la petite ».
La Prière de Charles Péguy « C’est Moi ! N’ayez pas peur ! »
« Les événements, dit Dieu, c’est Moi !
C’est Moi qui vous caresse ou qui vous rabote. Mais c’est toujours Moi.
Chaque année, chaque heure, chaque événement, c’est Moi !
C’est Moi qui viens, c’est Moi qui vous aime, c’est Moi. N’ayez pas peur !
Ainsi soit-il. »
La Prière de Charles Péguy « Récite ton chapelet »
« Récite ton chapelet, dit Dieu, et ne te soucie pas de ce que raconte tel écervelé : que c’est une dévotion passée et qu’on va abandonner.
Cette prière-là, je te le dis est un rayon de l’Evangile : on ne me le changera pas.
Ce que j’aime dans le chapelet, dit Dieu, c’est qu’il est simple et qu’il est humble. Comme fut mon Fils. Comme fut ma Mère.
Récite ton chapelet :
tu trouveras à tes côtés toute la compagnie rassemblée en l’Evangile :
la pauvre veuve qui n’a pas fait d’études et le publicain repentant qui ne sait plus son catéchisme, la pécheresse effrayée qu’on voudrait accabler, et tous les éclopés que leur foi a sauvés, et les bons vieux bergers, comme ceux de Bethléem, qui découvrent mon Fils et sa Mère…
Récite ton chapelet, dit Dieu, il faut que votre prière tourne, tourne et retourne, comme font entre vos doigts les grains du chapelet. Alors, quand je voudrai, je vous l’assure, vous recevrez la bonne nourriture, qui affermit le cœur et rassure l’âme. Allons, dit Dieu, récitez votre chapelet et gardez l’esprit en paix. Ainsi soit-il. »
La Prière du Soir de Charles Péguy « Dieu a dit : je n’aime pas celui qui ne dort pas »
« Il y a des hommes qui ne dorment pas. Je n’aime pas celui qui ne dort pas, dit Dieu. Le sommeil est l’ami de l’homme. Le sommeil est l’ami de Dieu. Le sommeil est peut-être ma plus belle création. Et moi-même je me suis reposé le septième jour. Celui qui a le cœur pur, dort. Et celui qui dort a le cœur pur. C’est le grand secret d’être infatigable comme un enfant. Or on me dit qu’il y a des hommes qui travaillent bien et qui dorment mal. Qui ne dorment pas, comme l’enfant se couche innocent dans les bras de sa mère, ainsi ils ne se couchent point innocents dans les bras de ma Providence. Ils ont le courage de travailler. Ils n’ont pas le courage de ne rien faire. De se détendre. De se reposer. De dormir. Les malheureux, ils ne savent pas ce qui est bon. Ils gouvernent très bien leurs affaires pendant le jour. Mais ils ne veulent pas m’en confier le gouvernement pendant la nuit. Comme si je n’étais pas capable d’en assurer le gouvernement pendant une nuit… Comme si plus d’un, qui avait laissé ses affaires très mauvaises en se couchant, ne les avait pas trouvées très bonnes en se levant, parce que peut-être j’étais passé par là ».
La Prière de Charles Péguy « Jésus est là parmi nous pour l’éternité »
« Il est là. Il est là comme au premier jour. Il est là parmi nous comme au premier jour. Il est là parmi nous comme au jour de sa mort. Éternellement il est là parmi nous autant qu’au premier Jour. Éternellement tous les jours. Il est là parmi nous dans tous les jours de son éternité.
Son corps, son même corps, pend sur la même croix ; Ses yeux, ses mêmes yeux, tremblent des mêmes larmes ; Son sang, son même sang, saigne des mêmes plaies ; Son cœur, son même cœur, saigne du même amour. Le même sacrifice fait couler le même sang. Une paroisse a brillé d’un éclat éternel. Mais toutes les paroisses brillent éternellement, car dans toutes les paroisses, il y a le corps de Jésus-Christ. Le même sacrifice crucifie le même corps, le même sacrifice fait couler le même sang. Le même sacrifice immole la même chair, le même sacrifice verse le même sang. Le même sacrifice sacrifie la même chair et le même sang. C’est la même histoire, exactement la même, éternellement la même, qui est arrivée dans ce temps-là et dans ce pays-là et qui arrive tous les jours dans tous les jours de toute éternité. Dans toutes les paroisses de toute chrétienté. Amen. »
La Prière de Charles Péguy « Mère, voici vos fils qui se sont tant battus »
« Mère, voici vos fils qui se sont tant battus. Qu’ils ne soient pas pesés comme Dieu pèse un ange. Que Dieu mette avec eux un peu de cette fange qu’ils étaient en principe et sont redevenus. Mère, voici vos fils qui se sont tant battus. Qu’ils ne soient pas pesés comme on pèse un démon. Que Dieu mette avec eux un peu de ce limon qu’ils étaient en principe et sont redevenus. Mère, voici vos fils qui se sont tant battus. Qu’ils ne soient pas pesés comme on pèse un esprit. Qu’ils soient plutôt jugés comme on juge un proscrit qui rentre en se cachant par des chemins perdus. Mère, voici vos fils et leur immense armée. Qu’ils ne soient pas jugés sur leur seule misère. Que Dieu mette avec eux un peu de cette terre qui les a tant perdus et qu’ils ont tant aimée. Mère, voici vos fils qui se sont tant perdus. Qu’ils ne soient pas jugés sur une basse intrigue. Qu’ils soient réintégrés comme l’enfant prodigue. Qu’ils viennent s’écrouler entre deux bras tendus. Amen. »
Charles Péguy (1873-1914)
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