Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul

Province Belgique-France-Suisse

MEDITATION/REFLEXION DANS UN ETABLISSEMENT DE SOINS

Publié le 17 mai 2020 par Soeur Emilie

Assise à côté de Mme M., en silence, je regarde ses mains qui m’impressionnent et que personne ne touche plus depuis longtemps.

En les regardant, je relis l’Histoire, leur histoire.

Ce furent des mains de bébé, des mains porteuses d’espoir.

Des mains d’enfant, découvrant le monde.

Des mains de jeune fille potentiellement pleines de talents.

Des mains qui ont frappé les touches d’un piano.

Des mains qui ont joué, là où régnait l’amour familial.

Des mains qui ont cessé de jouer quand le malheur était à la porte.

Des mains qui ont vécu l’exil et les déracinements.

Des mains qui ont tout perdu, jusqu’à leur forme et leur force.

Aujourd’hui, elles m’impressionnent ces mains.

Longues, très longues, trop longues.

Des mains devenues inutiles, encombrantes-même,
Elles ne peuvent plus ni saisir, ni donner.

Des mains qui ont peur d’être touchées, même par affection.

Des mains devenues trop fragiles, trop sensibles.

Des mains qui témoignent des souffrances passées et des souffrances présentes.

Des mains qui ne peuvent plus exprimer l’amitié, la sympathie.

Sensibles comme les blessures.

Des mains qui expriment le malheur, les pertes, l’exil, la solitude.

Ces mains écrasées, m’impressionnent
Elles me font peine.

Dans cet établissement de soins, aujourd’hui Mme M. les tendait vers le ciel et voulait exprimer quelque chose.

Elle se touchait la tête – siège de la pensée – et le cœur – siège des affections, et jetait vers moi un regard de bonté et de paix.

En réponse à ma question, par un signe de la tête elle disait ne pas souffrir.

Ces mains qui me semblaient encore plus longues, semblaient déjà atteindre le ciel.

Il y a quelques mois encore, se sont-elles tendues vers la petite Icône qui ornait le mur de son salon ?

Aujourd’hui, ces mains ne peuvent plus se joindre pour la prière.

Lorsque je l’ai quittée, elle a encore levé les mains, en signe d’adieu, j’étais très émue,
Un geste d’à-Dieu, car c’était ma dernière visite.

Elle est décédée quelques jours après, seule, je n’ai pas été avertie, ni une de ses amies, car nous ne sommes pas de la famille !

No comment !

 

Sœur Louise PITET (Communauté de Genève)