La colonie scolaire de Serinchamps (1949-1970) – Des nouvelles sources pour les archives

La colonie scolaire de Serinchamps était située dans un petit village de la Province de Namur, en Belgique. C’était une initiative de l’Œuvre Nationale des Colonies Scolaires Catholiques. Elle hébergeait des enfants pendant les périodes de vacances ainsi que des enfants placés sur toute l’année. Les Filles de la Charité de Belgique y étaient responsables entre 1949 et 1970.

Un Film sur Youtube

Ce film d’une dizaine de minutes, sur cette ancienne colonie scolaire et de vacances, est publié en 2019 par quelques personnes. Une musique de guitare mélancolique accompagne le générique d’ouverture.

La première image montre une gravure romantique d’un ancien château, et ensuite une série d’anciennes photographies du château reconstruit après un incendie en 1921.

Nous reconnaissons, sur une prise de vue d’en haut à partir d’une des tours, les cornettes familières des Filles de la Charité joyeusement encerclées par des fillettes en ronde.

Une même joie se ressent côté garçons, qui n’habitent pas le château même, mais une de ses dépendances.

Leur bâtiment à tourelles abrite le réfectoire, une salle de jeux dite « salle du sanglier », une infirmerie, et à l’étage, le dortoir.

En jetant un regard dans la salle du sanglier, nous y voyons un cercle de garçons assis autour du feu, sous le regard bienveillant de deux Sœurs. Une annotation nous apprend qu’ils chantent la litanie du feu : 

« Feu ! feu ! joli feu ! ton ardeur nous réjouit, feu ! feu ! joli feu ! monte dans la nuit ! »

Mais rapidement les choses se gâtent. Un montage d’images contrastées défile devant nos yeux en un avant et un après, accentuant l’état actuel des bâtiments, qui se trouvent dans un délabrement déplorable. La nostalgie se communique irrésistiblement au spectateur. L’actuelle salle du sanglier est méconnaissable, ainsi que la chapelle, l’école des garçons et le château dans son aspect général. Il n’y a que la cloche qui semble avoir résisté au déclin.

L’image de la fin, comme un sceau apposé sur les temps irrémédiablement révolus, est la 2CV des Sœurs, entourée par des gamins. À nouveau la joie, mais une joie avec un arrière-gout amère parce qu’elle resurgit des ruines.

Un groupe d’anciens pensionnaires sur Facebook

Dans la même période, au début de 2019, des anciens pensionnaires de Serinchamps créent une page Facebook, en réponse au dépérissement de ces lieux « magiques ».  

Internet a permis de nouvelles sources d’informations qui peuvent compléter celles des archives.

Dans un rapport de Visite régulière à Serinchamps du 5 janvier 1963, la Visitatrice note : « La maison a une bonne réputation, les enfants retournent dans leurs familles souvent avec regret et prient beaucoup pour revenir ».

Quelques décennies après, divers témoignages d’anciens pensionnaires vont dans le même sens.

« Serinchamps restera toujours pour moi le Paradis terrestre. Toutes les saisons étaient belles. 

J’y aimais tout.  Quand j’étais triste, j’allais à la petite chapelle des Sœurs et cette atmosphère était une bénédiction.  Je ne pratique plus, mais je crois en Dieu.  Serinchamps a été un chemin spirituel, aussi on y soignait le corps et l’âme ». Et le témoin ajoute : « ma mère n’a jamais compris mon amour de ce lieu ».

Un autre témoin rejoint presque le constat de la Visitatrice : « [Je ressens] beaucoup de tristesse vu le TRISTE état des bâtiments, tout abandonné alors que c’était un cadre magnifique. J’ai passé plusieurs mois de mon enfance, j’avais six ans la première fois entre 1960 et 1965, car à peine revenu à la maison je demandais pour y retourner et j’en garde de très bons souvenirs ». 

Un troisième témoignage : « Que d’émotions et quelle bonne surprise d’avoir trouvé par hasard votre site dédié à la colonie de Serinchamps.  Que de souvenirs entre 1963 et 1968.  J’y ai passé plusieurs séjours et toujours par période de trois mois.  Pleins de bons moments me reviennent en mémoire, notamment les veillées au coin du feu avec Sœur Catherine qui nous racontait des histoires.  Elle avait l’art de nous raconter et de faire durer le suspense jusqu’au dernier moment ! ».

De nombreux témoignages sur Facebook ont un réel intérêt, avec des photos et des documents en grande quantité, qui illustrent le fonctionnement de la Colonie de Serinchamps. Une monitrice, qui a séjourné enfant à Serinchamps, puis y a travaillé de 1961 à 1968 écrit à son départ :

« Merci,

à Sœur Couchant : à qui je dois ma formation de monitrice
            à Sœur Saussus : qui a complété cette formation
à Sœur Redivo : ma maman de cœur, de tendresse et très présente dans ma solitude d’enfant et d’adolescente
            à sœur de Beco : pour ses très bons soins »

                                                                                                          Y a-t-il plus bel hommage ?

Pour l’historien et l’archiviste des Filles de la Charité, ce zèle nostalgique s’avère être une véritable aubaine.

Nous savons que « le bien ne fait pas de bruit » et qu’au nom de cette règle d’or, « Les Filles de la Charité, humbles servantes des pauvres, ne se racontent pas, comme elles n’aiment guère faire parler d’elles (1) ».

De là vient qu’un grand nombre de communautés n’ont guère laissé suffisamment de traces archivistiques pour pouvoir reconstituer adéquatement leur passé. L’impact immédiat et pratique de l’œuvre surpassait de loin le besoin d’en garder des traces par écrit.

Le cas de Serinchamps est un magnifique exemple d’une complémentarité en sources, où des sources nouvellement créées, telle qu’une page Facebook active, viennent combler d’une façon tout à fait inattendue les lacunes dans les archives historiques.

Christof, pour le Service des Archives de la Province Belgique France Suisse

[1] Matthieu Brejon de Lavergnée, Histoire des Filles de la Charité (Fayard 2011), p 19