Historique de Toulouse La Grave 1815-1984
Lorsque Vincent de Paul et Louise de Marillac lancent leurs premières équipes, les « filles de la charité » n’étaient pas très nombreuses. Pourtant dès le 9 août 1689, une douzaine d’entre elles arrivent à Toulouse « où l’on faisait depuis trente ans grande instance pour les avoir », afin de prendre une charge et une mission que la Congrégation gardera trois cents ans. Toulouse a alors un grand nombre d’hôpitaux ; mais ce sont de modestes maisons.
Nous trouvons des demandes de Filles de la Charité pour Toulouse dans les écrits de Vincent de Paul :
– « A Toulouse, on fait grande instance de vous avoir. L’Evêque de Cahors m’a écrit pour ce sujet et nous n’en
aurons pas de repos qu’il n’en ait dans ce pays-là » (Coste X page 117 – 29 septembre 1655)
– « L’Abbé Ciron qui est à Toulouse sollicite des Filles de la Charité » (Coste V page 631 – 14 juin 1656)
– « on en a demandé depuis peu pour Toulouse, où l’on propose beaucoup de bien à faire »
(Coste X page 394 – 2 décembre 1657)
L’hospice de La Grave tire son nom du lieu où il a été bâti, de la grève qui longe la Garonne au niveau des pêcheurs voisins. En 1508, les Capitouls, gens pieux, décident de construire un hôpital pour les pestiférés « Hôpital Saint Sébastien ». Au 17ème siècle, sous l’influence des disciples de Vincent de Paul, des prêtres organisent l’assistance aux pauvres.
Ainsi naît la création d’un hospice pour les miséreux qui sont dans les rues de Toulouse, afin de les soigner, les instruire et faire travailler les plus jeunes. L’hôpital des pestiférés est transformé en Hospice général en 1647, semblable à celui de Paris, sous le vocable de Saint Joseph. La rive gauche de la Garonne est alors un espace libre, on adjoint un quartier pour les contagieux, un autre pour les enfants abandonnés, des pavillons pour les incurables, les vieillards, les mendiants, et un corps de logis séparé « le Saint Lazare toulousain ».
En 1780, cet hôpital est le plus considérable du Royaume (2 500 personnes et 1 200 enfants trouvés).
L’Hôpital de La Grave
Une affectation dans les hôpitaux est officialisée par délibération du 20 février 1815 qui décide que le service de l’Hôpital général Saint Joseph de La Grave serait exclusivement confié aux Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul à compter du 10 mars 1815. Elles succèdent à quatorze Dames de Charité qui s’occupaient jusqu’alors des pauvres.
Un Traité daté du 9 mars 1815, entre la Supérieure générale des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, et les Administrateurs des Hospices et Maisons de Secours de la Ville de Toulouse, stipule : « Etablissement de seize Sœurs pour l’Hôpital Saint Joseph de La Grave de ladite Ville de Toulouse ». Cinq premières Sœurs arrivent, dont Soeur Jeanne CHAGNY, qui administrera l’Hôpital de La Grave pendant près de 50 ans. Elle trouve l’hôpital dans un état de misère effroyable et le transformera en l’un des plus beaux hospices de France. Le Gouvernement lui décernera la Légion d’Honneur. Elle est décédée le 22 octobre 1861
Les Sœurs suivent un règlement précis. « Lorsqu’un malade arrive, elles doivent lui donner une chemise, un bonnet, des draps blancs et secs. Elles bassinent son lit, placent le nouveau venu dans le lit le plus commode et cela sans déplacer personne et y attachent son billet d’entrée. Il est secouru et soigné avec toute la diligence qui le requiert, tant pour le spirituel que pour le temporel. »
Des règlements plus tardifs, stipulent que les Soeurs s’occupent de tout. Elles ont une extrême pauvreté de moyens, literie, chauffage, apothicairerie, linge, toilette…
En 1828, à la demande des Administrateurs, l’établissement des orphelines est confié aux Sœurs ; deux Filles de la Charité sont envoyées pour cet établissement.
En décembre 1835, la Commission administrative décide d’agrandir l’Hôpital : construction d’un portail d’entrée, d’une façade pour compléter la cour d’entrée, d’une galerie intérieure pour établir une pharmacie reliée aux différents services de l’hospice.
Le 6 août 1839, un nouveau Traité entre les Administrateurs et la Supérieure générale est établi.
« Les Filles de la Charité sont chargées, au nombre de trente Sœurs, du service intérieur de l’Hospice de Toulouse, Saint Joseph de la Grave. Elles sont placées sous l’autorité de la Commission administrative ».
Durant la 1ère Guerre mondiale, Soeur PARISET est envoyée à l’Hospice de La Grave à Toulouse, comme Assistante. Elle y laisse un bon souvenir lorsqu’elle part en 1923 à l’Hôpital de Bernay dont elle assure la charge pendant six ans. Puis, elle revient à l’Hôpital de La Grave comme Soeur servante jusqu’en 1948. C’est là qu’elle y passe les vingt dernières années de sa vie.
Les inondations de 1875 – 1930 – 1952
Dans sa séance du 12 juillet 1875, la Commission administrative relate l’inondation des 23-24 juin 1875 : « La Garonne a une crue considérable, les malades sont évacués ; 300 kg de pain sont envoyés à La Grave. L’hôpital n’est plus habitable ce qui nécessite une évacuation complète. Les archives n’ont pu être sauvées tant la crue a été rapide et inattendue. Les pensionnaires de La Grave arrivent sur le pont où ils sont répartis : malades et infirmes sont accueillis à l’Hôtel Dieu, les orphelines dans l’établissement des Frères ; les autres sont transportés au Capitole. Les victimes se comptent par centaines dans le faubourg. A l’hospice Saint Joseph de la Grave les dégâts sont considérables car l’eau a atteint 4m20 avant l’effondrement de la buanderie, et l’ancienne chapelle n’existe plus. »
Une nouvelle inondation se produit en mars 1930, puis le 1er février 1952, la Garonne sort à nouveau de son lit à cause de la fonte des neiges. « Le 2 février au matin c’est l’évacuation de La Grave par mesure de sécurité. La sirène d’alarme annonce l’état d’alerte, le rez-de-chaussée est déménagé au premier étage. Les Sœurs restent dans leur service la nuit pour donner une certitude de sécurité aux malades. A midi, la Garonne commence à baisser, un vent froid laisse supposer que la neige ne fondait plus sur les Pyrénées. »
Le départ des Filles de la Charité de Toulouse
Au 20ème siècle, la baisse des vocations ne permet pas de remplacer les Sœurs qui atteignent l’âge de la retraite. En 1970 le nombre passe à 28 Soeurs, puis 15 Soeurs en 1974 dont 9 sœurs dans les services de vieillards, pour se réduire à 10 Soeurs en 1980.
En février 1984, à l’occasion du départ des dernières Sœurs de la Communauté de La Grave, le service des Filles de la Charité aux pauvres est évoqué :
« Trois siècles et puis s’en vont » : 12 Sœurs arrivent à Toulouse le 9 août 1689 où il y avait un grand nombre d’Hôpitaux dans de modestes maisons. On y servait les pauvres, les malades, les orphelins et aussi les pèlerins de passage sur la route de Compostelle. Trois cents ans après les Sœurs de Saint Vincent de Paul quittent les hôpitaux toulousains ».
« Une page d’histoire se tourne dans le grand livre d’or du Service Infirmier. Vous nous avez transmis la science infirmière et nous vous en remercions. Au fil des ans vous avez perpétué les rites dans les soins, dans les gestes et vous avez ainsi transmis à des générations d’infirmières « l’art de soigner ». Ce riche patrimoine constitue ce qu’on appelle aujourd’hui les Soins Infirmiers. Vous avez vécu l’évolution de la médecine et des soins et vous avez ouvert la voie à la médicalisation des services. Mais vous n’avez jamais oublié que votre mission devait s’exercer auprès des plus démunis ».
Le 1er mars 1984, les Filles de la Charité quittent l’Hôpital de la Grave ! Soeur Jeanne ne manque pas de rappeler le mot de M. Vincent, à la fin de sa vie.
Comme on lui demandait s’il regrettait quelque chose, il répondit : « oui, de n’avoir pas fait davantage ».