Historique de la Maison des Filles de la Charité à MONTAGNIER, en SUISSE
Dans le VALAIS, au sommet du village de BAGNES, l’Asile de la Maison de La Providence à MONTAGNIER est fondé en 1926, grâce à Mademoiselle Eugénie GARD, originaire de cette ville, et à la générosité d’une bagnarde émigrée aux Etats-Unis vers 1870, Madame MERGEN-DELEGLISE. Les fondatrices décident de recevoir des femmes âgées de la Commune, infirmes, fragiles. Une maison est construite pour accueillir quinze personnes ; elle s’agrandit en 1930 grâce à de nouveaux donateurs.
En 1940, le Comité local fait appel aux Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul. Un contrat est signé avec la Supérieure de la Providence de FRIBOURG. Les hommes âgés sont admis à leur tour.
Tandis que le Général de Gaulle adresse de Londres son appel du 18 juin, les premières Filles de la Charité arrivent à MONTAGNIER.
« Nous étions trois sœurs et nous avons porté avec nous une petite statuette de la Sainte Vierge, qui vient de notre Maison Mère à PARIS. Elle est entrée la première à La Providence ».
Mademoiselle Eugénie GARD, l’âme de La Providence, décédée quelques jours plus tôt, ne vivra pas ce moment attendu.
Au début, la communauté compte trois Sœurs, puis huit. Les trois premières Supérieures qui ont marqué et développé l’œuvre sont :
Sœur Marie SCHERRER, Sœur Louise WIDDER et Sœur Cécile VORLET, ouvrières courageuses et clairvoyantes de la prospérité de la maison de La Providence. Leur rayonnement déborde la vallée de BAGNES et leur réputation s’est répandue dans tout le VALAIS.
La première Directrice est Sœur Marie SCHERRER de 1940 à 1945. L’activité des Sœurs donne un nouvel essor. Elles luttent dans des conditions d’hygiène très difficiles, contre des préjugés et des méthodes d’un autre âge. Leur pauvreté frise la misère.
Sœur Marie écrit le récit de ces débuts :
« Il y avait place dans la maison pour environ 30 personnes, 15 s’y trouvaient à notre arrivée, pour la plupart « bons enfants », comme nous les appelions. Elles avaient une mentalité difficile et étaient plutôt négligées. La vermine pullulait dans leurs lits, leurs vêtements et sur elles-mêmes. C’est avec courage et une grande confiance en Dieu que nous nous mîmes au travail afin de délivrer ces malheureuses de leur vermine, ce qui arriva après des mois d’effort et de peine… Nous n’avons trouvé à notre arrivée aucune provision, un peu de linge seulement se trouvait à disposition. Il était donc de toute urgence de se mettre au travail avec courage et de commencer à planter des légumes… Au printemps 1941, nous avions déjà quelques hommes, mais les femmes formaient la majeure partie de nos gens… La guerre se faisait aussi sentir chez nous… A ce moment-là nous étions fort pauvres. Au cours de l’hiver 1941-1942, la Sœur Directrice se vit dans l’obligation de demander au Révérend Curé et aux autorités la permission d’aller mendier des pommes de terre… Le 15 septembre 1941, Sœur Rosalie EGGS nous arriva comme Sœur-cuisinière. Elle fut la bienvenue, nous l’attendions depuis si longtemps ».
Ecoutons Sœur Catherine RAEMY, qui comme tant d’autres sans doute, a tout donné pour les plus démunis, son cœur et peut-être sa santé :
« Au début, dans la première maison, je m’occupais d’une trentaine de femmes : pas de douches, pas d’élévateurs, des armoires seulement dans les couloirs, pas d’eau chaude. Chaque matin, je chauffais l’eau avec du bois pour laver les pensionnaires. Pour les sortir de la baignoire, je retirais d’abord l’eau, puis y entrais pieds nus pour les saisir par les épaules et les hisser sur leur chaise ; certaines arrivaient avec leur bois de lit plein de puces et de punaises qui attaquaient les Sœurs… Bientôt 70 pensionnaires, 2 Sœurs et peu d’employés. Au plus nous serons 9 Sœurs, pas un jour de congé ; nous veillions les mourants. L’eau de la machine à laver était chauffée au bois et au charbon. Des hommes arrivaient dans la maison ; ils n’avaient jamais dormi dans un lit. L’un d’eux a dormi quelque temps avec les cochons ».
De 1945 à 1954, la Direction est reprise par Sœur Louise WYDER, puis Sœur Cécile VORLET de 1955 à 1961. Le nombre de demandes augmente, aussi une aile à deux étages est bâtie, ainsi qu’une chapelle plus spacieuse. Des pensionnaires sont reçus pour des séjours temporaires. Les Sœurs visitent aussi les malades des villages et réunissent les enfants pour la Croisade eucharistique (1).
En 1956, l’annexe et les dépendances sont construites. Plus de 110 pensionnaires peuvent être accueillis. Une grande et belle chapelle est édifiée en 1960.
« Si à l’arrivée nous sommes trois, nous étions neuf dans les années 1960 accompagnées d’une dizaine d’aides s’occupant des soins, de la cuisine, du ménage, du jardin… On trouve souvent les mêmes pensionnaires assis dans la chapelle. Ils vont prier, un peu comme des moines, pour eux-mêmes et pour le monde ».
A partir de 1961, les prestations reçues favorisent l’arrivée des pensionnaires dépendants.
Sœur Cécile VORLET, venue dès 1940 à MONTAGNIER, est presque une des premières Sœurs à œuvrer à La Providence : 21 ans de travail, de dévouement, d’oubli total de soi. Tout naturellement elle est devenue Supérieure.
« Active et entreprenante, avec elle la Maison s’est agrandie et embellie, avec une nouvelle chapelle. Les Petits Croisés qu’elle dirige avec beaucoup de dévouement et de cœur ne connaissent que Sœur Cécile. Les vieillards de La Providence pleurent au matin de son départ en 1961. Les paroissiens se sentent un peu orphelins et les Chanoines de la cure regrettent celle qui les aidait dans leur apostolat. Les pauvres et les malades qu’elle réconfortait au cours de ses visites ou par le moyen de l’ouvroir paroissial, mesurent mieux maintenant le zèle qui paraissait tout naturel tant il était surnaturel ».
Hommage de la Paroisse de Bagnes
En 1976, La Providence fête son 50ème anniversaire avec un MERCI à toutes celles qui travaillent à MONTAGNIER, à toutes celles aussi qui les ont précédées. La même année, une première Infirmerie est organisée.
En 1983, Sœur Janine ARNOLD succède à Sœur Cécile VORLET. En 1984, la structure compte 98 lits occupés pour un tiers par les habitants de la Commune et deux tiers par des gens provenant du Bas-Valais. La Communauté est composée de cinq Sœurs.
« Sœur Rosalie mijote depuis plus de quarante ans d’excellents petits plats. A l’extérieur, des bancs et des tables entourées de fleurs et d’arbustes apportent une note de gaieté à l’ensemble résidentiel. Au centre, une statue de la Vierge de la Médaille miraculeuse, du haut d’un rocher, est illuminée la nuit ».
En 1988, La Providence devient une Fondation sans but lucratif, accueillant des dons et percevant des contributions.
Mais tout évolue… De 1988 à 1990, c’est la construction et l’aménagement du nouvel établissement moderne et fonctionnel pour 110 Résidents. Les résidents sont logés dans des pavillons ; ils reviendront dans leurs tout nouveaux quartiers à Noël 1990 pour leur bien-être !
En 1991, Sœur Rosalie EGGS fête ses 50 ans de présence de Sœur cuisinière à La Providence. Belle image de fidélité, de dévouement et d’endurance valaisanne. Un bienfaiteur a voulu marquer cet anniversaire en lui offrant un vol en hélicoptère. Sa santé robuste lui permet de monter dans un hélicoptère et de descendre le glacier de CORBASSIÈRE. Elle avait vu du pays avant de venir à BAGNES ! Sixième de neuf enfants, elle est née en Argentine. En 1921, elle n’a pas 10 ans lorsqu’elle vient dans le Valais d’où sa famille est originaire.
En 1994, une Direction laïque assure la continuité de l’œuvre avec beaucoup de compétence et de bienveillance aussi à l’égard des trois Sœurs toujours présentes qui assurent l’aumônerie et une présence auprès des Résidents et des familles.
Le 30 avril 2013, les Sœurs de La Providence quittent MONTAGNIER après une présence de 73 ans.
« Celles qui nous ont précédées ont marqué l’histoire. Elles ont donné une âme à cette maison. »
Service des Archives de la Province Belgique-France-Suisse
(1) La Croisade eucharistique est née en 1914 dans le but de rapprocher les enfants de l’Eucharistie, suivant ainsi l’appel du pape Pie X. La croisade consiste à mettre l’Eucharistie au centre de la vie du Croisé.