Historique de la mission des Filles de la Charité à Thessalonique de 1855 à 1995

En 1855, les Filles de la Charité arrivèrent à THESSALONIQUE, ville du Nord de la Grèce, qui était encore sous l’Empire Ottoman et ce, jusqu’en 1912. Elles furent logées dans une vieille maison en bois, en mauvaise état. On raconte que les jours de grandes pluies les Sœurs devaient avoir leurs parapluies ouverts dans leur lit pour ne pas être mouillées. Et cependant, ce fut cette modeste habitation qui devait servir de « berceau » à toutes les maisons et œuvres des Filles de la Charité de THESSALONIQUE. Les Sœurs étaient au nombre de quatre ; elles avaient ouvert 2 classes. Dès l’ouverture, elles avaient une quarantaine d’élèves, des grecques orthodoxes surtout, car alors les catholiques n’étaient pas nombreux à THESSALONIQUE.

En 1856, les Sœurs ouvrirent un Dispensaire mais bientôt elles ne purent suffire car c’était trois ou quatre cents personnes qui s’y présentaient tous les jours. Aussi, la Compagnie des Filles de la Charité leur envoya bientôt deux autres Sœurs. Le 8 septembre, l’Association des Enfants de Marie fut fondée ; elle fut très florissante.

Soeurs et enfants de Marie

En 1857, elles commencèrent les visites des pauvres et des malades à domicile ainsi que les visites dans les prisons.

En 1858 elles ouvrirent un Hôpital et voici comment : un jour parmi les malades il s’en trouva un, dont l’état était tellement grave, qu’on ne pouvait le renvoyer. Il fut logé dans une chambrette pour le soigner. D’autres cas semblables suivirent : l’Hôpital était fondé. Mais la maison de l’Hôpital se trouvait trop vieille et avec les années il devint impossible de continuer de la sorte.

En 1861, les Sœurs avaient commencé un Orphelinat avec des jeunes filles bulgares. Il y en avait alors une trentaine lorsqu’en 1893. Les Sœurs cédèrent leur maison pour en faire l’Hôpital. Les orphelines partirent en dehors de la ville, dans une maison de la campagne de CALAMARI qui avait été donnée aux Sœurs par Mgr BONETTI.

Les premières années les orphelines et trois sœurs affectées à cette œuvre furent logées provisoirement dans le petit local qui se trouvait dans ladite campagne, mais il fallut vite pourvoir à leur construire une maison convenable et adaptée à l’œuvre.

En 1872, les Sœurs rentrèrent dans une maison vaste et spacieuse construite sur la rue du quartier Fragon grâce au secours du Gouvernement français. Cette maison put contenir toutes les œuvres dont s’occupaient alors les Sœurs à l’exception de l’Hôpital qui resta dans une maisonnette en bois contiguë.

En 1893 il fallait absolument construire un nouvel Hôpital car le mouvement occasionné par les nouvelles lignes du chemin de fer amenait beaucoup de malades.  Il y avait un manque de médecins et la vétusté de l’Hôpital était vraiment déplorables. Cela nécessitait une nouvelle construction. Mais où trouver des fonds ? Après réflexion les Sœurs cédèrent la vaste maison qui leur avait été construite en 1872 et se réfugièrent dans la maison où se trouvait l’Hôpital.

En 1894, on ajouta à l’Orphelinat une Ecole externe, on bâtit aussi une grande chapelle qui sert de succursale à la Paroisse de THESSALONIQUE.

Ancienne école

Le 20 octobre 1898, une grêle épouvantable et une pluie torrentielle qui dura 24 heures, cassa toutes les tuiles et les poutres de la toiture. Cette dernière étant pourrie, le toit s’effondra. Les Sœurs durent partir en hâte et la maison fut abattue, n’étant pas en état d’être réparée : depuis lors elles furent logées fort précairement et d’une manière provisoire en attendant le moment de la Providence.

 En 1898, la maison de CALAMARI fut détachée de celle de THESSALONIQUE car l’administration devenait trop lourde pour une seule Supérieure. A cette époque, les œuvres des Filles de la Charité à THESSALONIQUE sont : l’Hôpital – les classes -le Dispensaire – la visite des pauvres à domicile et aux prisonniers – la Crèche – les Associations des Dames de Charité et les Jeunes Economes.

LES CLASSES

L’école tenue par les Sœurs à THESSALONIQUE se développa de plus en plus, il fallut construire un local en dehors de la maison qu’habitaient les Sœurs. Mgr BONETTI leur ayant cédé une maison avec de vastes cours, c’est là que furent construites en 1885 les classes, avec une belle salle d’Asile, ce qui permit de commencer cette œuvre qui n’existait pas encore. L’Asile accueillait une centaine d’enfant.  

Le total des classes, Asile compris, étaient de 280 élèves (230 catholiques, 30 israélites et 20 orthodoxes).

LE DISPENSAIRE

Depuis sa fondation, le Dispensaire était très fréquenté, 200 à 250 personnes venaient pour y recevoir des soins ou des médicaments. Les Sœurs arrachaient des dents, faisaient des pansements et des lavages d’oreilles… Les soldats turcs aimaient venir s’y faire soigner. Durant la guerre gréco-turque, la journée n’était pas assez longue pour recevoir tous les soldats qui venaient même de très loin se faire soigner. Ils avaient envers les Sœurs un très grand respect et une grande confiance. Voici un billet écrit par un soldat turc : « mademoiselle chirurgienne, au nom de la charité ayez pitié ! Envoyez un peu de poudre d’iodoforme. Salutations empressées depuis la prison de la citadelle de Salonique. Un soldat » (l’iodoforme est un antiseptique).

VISITE AUX PAUVRES

C’était avec joie que les Sœurs étaient accueillies partout où elles se présentaient. Ces visites étaient faites avec une grande assiduité. Elles étaient appelées de tous côtés, les mères accourraient avec les enfants dans les bras. Les portes des Hôpitaux turcs et des prisons leur étaient toujours ouvertes lorsqu’il s’y trouvait quelques catholiques. On venait toujours prévenir les Sœurs surtout si les malades étaient en danger de mort, les turcs laissaient entière liberté aux missionnaires Lazaristes, en collaboration avec les Sœurs, pour aller administrer les sacrements. Chaque année au Temps Pascal, elles allaient à la prison turque préparer les prisonniers catholiques qui pouvaient s’y rencontrer. Le nombre de visites aux pauvres catholiques dans les années 1890 étaient en moyenne de 2000 par an, et de 3500 orthodoxes.

LA CRECHE

C’est à THESSALONIQUE, à la porte des Sœurs, que sont recueillis les enfants trouvés avant d’être admis à la crèche des Sœurs de Charité de Zetenlik (aujourd’hui, Stavroupolis). Au moment où ils sortaient de nourrice, les Sœurs étaient chargées de leur assurer un avenir.

LES DAMES DE CHARITE

C’est le 17 mars 1867 que l’Association des Dames de Charité a été établie à THESSALONIQUE. Chaque année les Dames organisaient une fête au profit de pauvres. Une Assemblée générale avait également lieu où l’on présentait le compte rendu des recettes et des dépenses de l’œuvre. Grâce à cette Association, en 1895 fut ouvert un Asile pour les pauvres vieillards et les veuves sur un terrain mis à disposition par les Pères Lazaristes.

En 1911 l’Asile, répartis en 8 petites maisonnettes, comptait 38 personnes.

L’ŒUVRE DES JEUNES ECONOMES

Cette Association, qui rivalisait de dévouement avec les Dames de la Charité, avait pour but de procurer des vêtements et des chaussures aux petites filles pauvres des classes.

Fin 1927, toutes ces œuvres fonctionnaient parfaitement bien et servaient une grande foule de pauvres, preuve manifeste de la bénédiction de Dieu pour les œuvres de Saint Vincent de Paul.

 

ZOOM SUR L’HOPITAL SAINT PAUL

Très tôt, l’Hôpital fonctionna dans les meilleures conditions hygiéniques : un médecin, un chirurgien y furent attachés. Toutefois, les malades étaient libres de choisir parmi les autres médecins de la ville. Les différentes Compagnies du Chemin de Fer, la Compagnie de Construction du Port, les différentes Agences de la Ville y firent soigner leurs malades. Les catholiques pauvres de différentes nationalités y étaient reçus gratuitement. Dès les premières années, 250 à 300 malades passaient annuellement à l’Hôpital.

Peu avant la Seconde Guerre Mondiale, le bâtiment subit une heureuse restauration qui en fit un Hôpital moderne. Il était composé de 3 étages, comprenant 45 pièces avec toutes les installations électriques, sanitaires, chauffage, salle d’opérations, radioscopie.

Lors du bombardement du 1er novembre 1940, les malades furent dispersés et l’Hôpital fermé pendant 1 mois et demi. Pour plus de sécurité, il fut alors transféré dans les locaux de l’Orphelinat des Sœurs de CALAMARI et a fonctionné ainsi jusqu’en 1945. Le bâtiment Saint Paul a été réquisitionné par l’armée grecque et transformé en Hôpital militaire, jusqu’à l’arrivée des Allemands en avril 1941. Ceux-ci occupent alors toutes les salles jusqu’au 21 septembre 1944. Ce jour-là, en effet, lors d’un bombardement aérien, des bombes incendiaires tombèrent sur la toiture ; les trois étages partirent en fumée faute de moyen d’extinction.

Le 31 octobre 1944, les Allemands partaient, et le 1er novembre les Sœurs reprenaient possession des lieux.

A partir de 1946, grâce aux dons envoyés par la Divine Providence, avec l’aide de l’Ambassadrice de France à Athènes (Madame de Vaux Saint Cyr), du Consul Général (Monsieur Paul Forion), les travaux de reconstruction de l’Hôpital pouvaient commencer. En novembre 1949, le rez-de-chaussée est de nouveau aménagé. Puis dans les mois suivants, le fonctionnement redevint normal. De nouveaux travaux furent effectués en 1956.

En 1976 un important tremblement de terre endommagea de façon importante le bâtiment. En 1983, les Sœurs cédaient gratuitement l’Hôpital à la Sécurité Sociale avec l’obligation de garder le personnel soignant. Les Sœurs quittaient alors les services, mais une communauté de 3 Soeurs restait sur place afin d’assurer une présence auprès des malades. En 1995, la dernière Fille de la Charité partait définitivement de l’Hôpital.

Sœur Anna, pour le Service des Archives de la Province Belgique-France-Suisse