Une première rencontre pour constituer un groupe d’appartenance ” migrants” a eu lieu les 16 et 17 avril 2018 à l’Accueil Louise de Marillac. Neuf sœurs devraient y participer mais deux ont été excusées. Deux autres ont exprimé leur intérêt pour cette réflexion.
La constitution de ce groupe est une réponse vincentienne et très actuelle concernant les migrants. Cela rejoint l’Évangile et notre Charisme. Depuis longtemps, l’accueil des migrants est une préoccupation d’un grand nombre de Filles de la Charité de notre Province. Il va permettre une plus grande visibilité.
Pour ce nouveau groupe d’appartenance, il était essentiel de mieux se connaître. Même si nous avons une mission commune auprès de nos frères migrants, nous arrivions de lieux différents et nous ne nous connaissions pas beaucoup : Sœur Claire et Sœur Emmanuelle viennent de Suisse, Sœur Jacqueline du Berceau, Sœur Crescencia d’Agen, Sœur Yannique d’ Évreux, Sœur Véronique de la Maison provinciale et Sœur Yvette de l’Hay-les-Roses. Nous avons ensuite longuement échangé par rapport aux engagements de chacune au service des migrants avec une première interrogation :
Qui sont pour moi les migrants ?
Voici quelques réponses :
Celui ou celle vers qui le Seigneur et la Communauté m’envoient.
Un migrant est une personne qui a été contrainte de quitter son pays d’origine, seule ou avec sa famille, pour essayer de trouver un lieu d’accueil dans un pays qu’elle ne connaît peut-être même pas.
Quelqu’un qui a quitté son pays et qui cherche une terre d’accueil, des frères d’accueil.
On prend racine là où on se sent accepté et aimé
1) Présentation et engagements
Sœur Emmanuelle et sœur Claire des environs de Fribourg (Granges Paccot) : Une association : “Point d’ Ancrage” a été fondée il y a une dizaine d’années pour accueillir des migrants, avec la participation de religieux, de religieuses, dont 2 Filles de la Charité : Sœur Emmanuelle y est active depuis le début, et de 40 bénévoles laïcs, parmi lesquels des membres des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul
Les requérants d’asile viennent de divers pays :
48 % d’Afrique
36 % du Moyen-Orient Iran, Irak
D’autres, moins nombreux, viennent d’Afghanistan, de Russie, d’Amérique latine.
Il y a plus d’hommes que de femmes. Beaucoup de familles. Les femmes viennent peu.
La majorité est de religion musulmane. Il y a quelques orthodoxes.
“Point d’Ancrage” est ouvert deux jours par semaine :
Le mardi : accompagnement juridique : une Assistante sociale, la seule salariée, les accompagne dans leurs démarches de requérants d’asile. Pendant ce temps les enfants sont pris en charge par des bénévoles. À l’issue de ces entretiens ils peuvent obtenir un permis de séjour.
Avec le Permis B, ils peuvent travailler mais c’est très difficile de trouver du travail. Pendant le temps de la procédure d’asile, ils reçoivent 10 F par jour et sont hébergés dans des foyers ou des appartements. S’ils ne sont pas acceptés ils sont renvoyés très vite. Même quand ils sont clandestins, ils continuent à venir à “Point d’Ancrage”.
L’administration qui gère leurs dossiers est : l’O R S : Office des Réfugiés Suisses.
Le mercredi, des activités diverses sont proposées : leçons de français, ateliers de couture,… A midi est organisé un repas communautaire et beaucoup participent à la préparation de ce repas. Il est servi en moyenne 90 à 100 repas.
Une aide alimentaire est accordée à ceux qui la sollicitent. Participation des magasins : solidarité.
Pour financer ces activités, l’église apporte son soutien par une quête annuelle dans les paroisses. L’Ordre de Malte participe aussi financièrement. Des subsides et des dons apportent un complément. Une belle vidéo retrace la vie de “Point d’Ancrage”.
Une toile confectionnée par une équipe d’Amérique latine exprime le douloureux vécu de toutes ces personnes ainsi que leur confiance dans un avenir meilleur. L’homme ne vaut pas plus qu’une fourmi ; on peut l’écraser.
Une prière, bien illustrée et avec un chant du Père Yves Bouchet : “Ils sont là au bord du chemin” retrace les parcours difficiles de nos frères migrants.
Sœur Yannique à Évreux : En contact avec des migrants dans divers lieux. : La paroisse, un lieu d’accueil “L’Abri”, la Maraude.
Leurs pays d’origine sont :
42% Afrique : Sénégal, Congo, Érythrée…
36 % du Moyen Orient – arméniens, géorgiens
Pendant quelques mois, des familles ont été accueillies dans des locaux de notre paroisse : Une femme sénégalaise avec ses trois enfants – une femme géorgienne avec deux enfants – une femme arménienne avec deux enfants – une femme du Congo Kinshasa avec quatre enfants. Des paroissiens se sont mobilisés pour leur fournir les repas du midi et du soir. À cette occasion, s’est créée beaucoup de solidarité.
Les demandeurs d’asile qui arrivent en France ont généralement beaucoup de tonus. Ils sont des battants. Ils avaient un travail dans leur pays ; ils viennent souvent pour des raisons politiques. Ils se font aider dans leurs démarches par des associations : ainsi le Réseau d’Education Sans Frontières (RESF) les soutient pour tout ce qui concerne leurs enfants.
À la Maraude, on rencontre beaucoup d’hommes, quelques femmes : femmes avec enfants, femmes enceintes. Nous faisons appel aux personnes pour obtenir des couvertures. Faire changer les regards sur ces personnes demande des efforts.
Sœur Crescencia à Agen : Aller dans un lieu neutre.
La porte d’entrée, qui a été un déclic, a été Emmaüs. L’objectif d’Emmaüs est l’humanisation par le travail. “Par le travail, on met l’homme debout”
Mon service est le tri du linge. C’est un lieu d’écoute, de confiance. Sont accueillis des sorties de prison, des personnes qui ont été de nombreuses années dans la rue.
Il y a beaucoup de migrants : Afrique, Europe de l’Est, Kazakhstan. Ils peuvent avoir une domiciliation pour leurs démarches de demande d’asile. Une famille de Kosovars, avec deux enfants, des musulmans convertis, a été pris en charge par la communauté.
Participe aussi à la Pastorale des Migrants, à la Cimade.
Sœur Yvette à l’Haÿ-les-Roses : En novembre 2015, la Croix-Rouge a lancé un appel : 70 migrants, hommes de 20 à 50 ans, d’Afghanistan, du Soudan, de Somalie, d”Erythrée, du Niger, etc… Ils venaient d’être accueillis dans un Centre d’Accueil d’Urgence où les salariés de la Croix-Rouge les aident dans leur démarche : ce qui est bon, c’est qu’ils parlent arabe, langue des migrants accueillis. Ils avaient besoin de vêtements et surtout d’une prise en charge pour l’alphabétisation. La Pastorale des Migrants du Secteur a répondu à cet appel : des équipes se sont mises en place pour assurer ce service plusieurs jours par semaine, à des heures différentes. Difficultés : manque de régularité, niveaux différents. Cela continue, bien que l’on constate des changements fréquents au sein des salariés de la Croix Rouge. D’autre part, les hébergés sont envoyés en CADA en province ou partent volontairement pour vivre dans la clandestinité.
Fondé par le Service Jésuite des Réfugiés, “Welcome 94” existe dans le Val-de-Marne depuis 2017. C’est un réseau de familles qui accueillent des demandeurs d’asile chez elles pour quatre à six semaines. Cette expérience se répète chez d’autres accueillants jusqu’à six mois de présence dans le réseau. À l’Haÿ-les-Roses, Espérance et Luc ont ouvert leur porte à Mamadou, un réfugié guinéen de 27 ans.
Sœur Jacqueline au Berceau : Sur place, accompagnement et alphabétisation auprès d’une vingtaine de migrants. À Dax, dans un CADA (centre d’accueil de demandeurs d’asile), alphabétisation trois fois par semaine.
Extrait du texte de Jacqueline : “J’ai rencontré et rejoint des migrantes à qui on a tout volé : leur famille, leurs enfants, leur dignité de femme, leur terre. Elles n’ont fait aucun choix, ni opté pour tel pays, ni préféré la rue à tout autre lieu.
Blessées dans leur âme, leur esprit et dans leur corps, elles sont arrivées chez nous, guidées par la Miséricorde de Dieu.
Il nous faut travailler à ce que tous ces blessés, ces exclus, que nous côtoyons, puissent retrouver leur dignité, l’estime des autres, la confiance, l’Amour afin qu’ils puissent occuper la place que Dieu leur a réservée dans notre société. Ne sommes-nous pas la voix des sans voix ?
2) Nos attentes et nos souhaits pour ce groupe :
Un lieu qui nous permet d’être davantage au service des migrants dans la spécificité du charisme vincentien.
Ce service rejoint l’Évangile, Mathieu 25, l’attitude du Christ face aux personnes rejetées, exclues : femme adultère. Il rejoint aussi Saint-Vincent au service de réfugiés de Lorraine : Frère Renard. Il répond à la misère d’aujourd’hui.
Un lieu d’information : pour cela, s’informer des grandes migrations actuelles grâce à un Bureau Vincentien de la Migration : Travail avec les Lazaristes et les Filles de la Charité qui
vivent dans des pays d’où viennent les migrants ; avec les Conférences de Saint-Vincent-de-Paul qui sont partout dans le monde. Connaître les lois qui régissent les migrants dans les autres pays. Être un pont entre les migrants et leur pays d’origine.
Un lieu de formation.
Accompagnement fiable. Appel à des professionnels. Avoir un minimum de connaissances des différentes cultures d’où viennent les personnes accueillies.
Lien avec des personnes compétentes. Ne pas donner de faux espoirs. S’éclairer. On n’est pas fait pour tout. On ne peut pas tout résoudre. Travailler au sein des diverses associations qui accueillent des migrants : Secours Catholique, Emmaüs, Cimade, Pastorale des Migrants etc.
Par diverses actions : faire comprendre à tous les accueillis l’importance de l’apprentissage du Français qui est un premier pas vers l’inculturation.
Un lieu de sensibilisation.
Chercher comment sensibiliser les Filles de la Charité de notre province aux migrants. Les informer de notre réflexion et accueillir celles qui désirent se joindre à nous. Préparer un partage dans les communautés à partir du montage : ” Point d’Ancrage”.
Toile : Amérique latine : “L’homme ne vaut pas plus qu’une fourmi. On peut l’écraser.”
Pourquoi pas un article sur le site de la Province ?
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Nous nous sommes données à Dieu pour le service du Christ dans les pauvres. Cela coule de source : Dieu ↔ le pauvre – complémentarité.
Jésus, homme de liberté, en lien avec son Père. C’est l’amour qui est premier. Importance de l’ETRE.
Accompagner sur le chemin de l’exil. Importance du regard, de l’écoute, de la tendresse. Mettre en place les moyens pour mieux accueillir. Dénoncer les conditions inhumaines.
Mettre l’autre au centre. Oser agir sans se laisser conditionner. Discernement.
Leur permettre de se libérer, de pouvoir pleurer, de leur faire exprimer les souffrances qui ont été accumulées. User de beaucoup de discernement.
Savoir se retirer quand cela est nécessaire.
Conclusion
C’est avec quelle flamme…. et en même temps avec beaucoup d’humilité et de respect devant la vie, l’histoire dramatique de toutes ces personnes, que chaque Sœur du Groupe d’appartenance s’est exprimée pour partager son service auprès de ces frères blessés dans leur chair et dans leur âme !
Ce service d’accueil, d’écoute, d’accompagnement, de ces frères en marche vers la Liberté, ces frères tant accablés, victimes de la haine, de la violence, se vit en solidarité avec beaucoup d’associations, avec des membres de la Famille vincentienne, des personnes de bonne volonté…
Dès les débuts de la Petite Compagnie St Vincent nous a envoyés, Filles de la Charité et Prêtres de la Mission à la rencontre des populations déplacées, au-delà des frontières de la langue, de la culture, de la religion et nous assurant que tout est possible quand Dieu y met la main.
Avec ces frères en marche, mettons-nous, nous aussi, en marche avec le Seigneur qui nous appelle “à prendre soin” du Frère, de nos Frères, à donner de la tendresse aux plus blessés et à prendre le temps de les accompagner pour les aider, les soutenir dans leur marche pour aller jusqu’au bout du chemin, leur chemin.
C’est une invitation à prier ensemble pour tous ceux qui aujourd’hui errent sur les routes du monde, des routes qui passent à côté de chez nous. Confions au Seigneur, ces hommes, ces femmes, ces enfants, et toutes les personnes qui donnent de leur temps, qui se donnent au service de ces frères déracinés.
La prochaine rencontre aura lieu à la rentrée (septembre ou octobre)
Celles et ceux qui voudraient participer aux rencontres du Groupe peuvent le faire en s’inscrivant auprès de Sr Jacqueline : soeurbichler@gmail.com ou en téléphonant au 06.31.84.57.56 après 21 h.