Historique des Filles de la Charité à ALGRANGE en Moselle
La commune d’Algrange se trouve sur la rive gauche de la Moselle, proche des frontières de la Belgique, du Luxembourg et de l’Allemagne. Elle est limitée au sud par les communes de Nilvange et de Knutange.
Algrange connaît une période de prospérité au début du XXème, grâce à ses quatre principales mines de fer (une dizaine de puits ouverts) et à une usine sidérurgique.
Commune sidérurgique située en Lorraine, Algrange fut jusque dans les années 1970 un des centres industriels les plus actifs de France.
Au gré des conflits, Algrange fut annexée à l’Allemagne de 1871 à 1918 et de 1940 à 1945.
Durant ces périodes, la Compagnie des Filles de la Charité institue la « Province Alsace-Lorraine » qui donne une autonomie à cette région pour le temporel, avec la nomination de Sœur BOURGER, Visitatrice à Belletanche (1), et un Séminaire pour la formation des jeunes sœurs.
(1) Belletanche fut rattachée à METZ en 1961.
Les deux Communautés d’ALGRANGE : la Maison de la Sainte Famille et l’Hôpital.
I – La Maison de la Sainte Famille 1910-1991
En 1908, les sœurs sont demandées par le curé de la paroisse pour soigner les malades de la cité industrielle. Sœur LENSBOURG, Visitatrice et Directrice du Séminaire de Belletanche, fait construire la Maison de la Sainte Famille, rue Marie Bouchet. L’abbé LAY surveille activement les travaux de construction qui débutent en 1909.
Le 11 février 1910, la Maison est ouverte par Sœur KÏTTEN, qui reste peu de temps. Les deux sœurs BARROS-GOMES, Cécile et Agnès, quittent leur pays lors de la Révolution au Portugal en 1910. Ces deux Filles de la Charité arrivent à Algrange en juillet ; Sœur Agnès BARROS-GOMES est nommée Sœur servante de la Communauté.
En 1913, un cours technique privé d’enseignement ménager familial et un ouvroir sont créés pour les jeunes filles d’Algrange et Nilvange. Les Filles de la Charité animent cette école de sa création en 1939, puis de 1947 à 1977, soit pendant 56 ans.
Au moment de la Guerre de 1914-1918, les hommes sont mobilisés et les mamans doivent travailler. Une crèche et un jardin d’enfants sont ouverts pendant cette période, auxquels s’ajoute un service de soupe populaire.
L’année 1918 donne à la Lorraine la joie de redevenir française. Une floraison d’œuvres paroissiales s’ouvre. La maison devient le lieu de réunions d’œuvres diverses : les Enfants de Marie, la Ligue de Jeunes, les « Louisettes », le Patronage, le Cercle d’Etudes, l’Action Catholique des Hommes, les Conférences Saint-Vincent-de-Paul.
Durant l’entre-deux-guerres, la Communauté compte dix sœurs pour : l’école ménagère, l’ouvroir, les écoles maternelles et le service des pauvres. Les sœurs ont la joie de présenter cinq vocations pour la Compagnie des Filles de la Charité.
En 1925, le cimetière d’Algrange reçoit, l’une après l’autre, les deux sœurs BARROS-GOMEZ, Cécile le 18 mars et Agnès le 13 avril, emportées par la même maladie.
La même année, un dispensaire et les soins à domicile sont ouverts à Nilvange-Konacker.
En octobre 1931, la soupe populaire est créée à la demande de la municipalité ; 60 soupes chaudes sont distribuées chaque jour au prix de 0.50 F l’une.
Un rapport sur les Œuvres de la Sainte Famille d’ALGRANGE 1938-1939 mentionne :
« La rentrée de l’Ecole Ménagère s’est faite avec 92 élèves, réduites à 66 en fin d’année scolaire. Il y a eu une participation de 20 élèves au Concours de broderie à Paris. L’école maternelle et le jardin d’enfants se maintiennent à 200 enfants environ… Au cours de l’année, on a enregistré dix mariages parmi nos jeunes filles… 205 repas ont été servis à des chômeurs de passage.
Pour le service des malades et des vieillards :
ALGRANGE NILVANGE
Visites avec soins : 5 919 4 638
Soins au dispensaire : 600 900
La maison de la Sainte Famille est ingénieuse ; et dans la nécessité de couvrir au moins son budget d’œuvre, elle a encore deux activités :
- un service de blanchissage et de repassage, avec la clientèle des cantines,
- des dames pensionnaires : une pensionnaire et deux personnes qui prennent le repas de midi.
Avec la 2ème Guerre mondiale, la maison est occupée par les Allemands, elle devient annexe de l’hôpital ! Toutes les œuvres sont officiellement supprimées durant l’occupation mais les Filles de la Charité continuent clandestinement et partiellement les œuvres.
Durant la période de l’Occupation (1939-1944), trois sœurs sont affectées à l’hôpital d’Algrange, puis elles reviennent à la Communauté de la Sainte Famille, devenue annexe de l’hôpital.
En 1944, les difficultés sont grandes pour remettre la maison en marche. Le service des malades à domicile reprend.
1945 fut la fin d’une dure épreuve ! Les œuvres revivent et évoluent selon les circonstances, les besoins de la Région, les appels de l’Eglise. Un foyer d’anciens est ouvert, géré par la commune.
En 1947, le maire d’Algrange demande aux Filles de la Charité de prendre la Direction de deux écoles maternelles et d’un jardin d’enfants. Ce dernier sera confié à une directrice laïque bien connue des sœurs. Par la suite, la communauté n’a plus la direction de ces écoles.
En 1949, réouverture de l’école ménagère par sœur STOFFEL.
Dans les années 1960, les soins à domicile s’étendent à Angevillers.
En 1968, par suite de la suppression des écoles ménagères et par décision de l’Etat, l’école se transforme peu à peu en lycée professionnel avec contrat d’association. Les soins à domicile sont maintenus ; une infirmière laïque prend la relève. Les sœurs prennent en charge les catéchismes avec le clergé et les responsables laïcs.
La fonction de Supérieure et de Directrice de l’école ménagère est assurée par la même sœur. Mais de 1968 à 1977, les deux fonctions sont séparées.
En 1986, un restaurant scolaire est ouvert.
En mai 1991, la Communauté de la Sainte Famille est fermée !
Après 80 ans de présence dans la Cité « Aux Quatre Mines », les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul quittent définitivement Algrange.
II – L’Hôpital des Mines et Forges 1919-1968
L’Hôpital a été construit en 1899. Dès l’année 1919, Algrange s’agrandit avec le développement de l’industrie, les Filles de la Charité sont appelées pour le service des mineurs et de leurs familles.
Sœur BARROS-GOMES relate : « Après le départ des médecins allemands, un médecin français se présente à Belletanche pour demander des Sœurs pour l’Hôpital des Mines à Algrange. Il insiste auprès de Sœur Visitatrice et du Directeur et a gain de cause. Les Sœurs allemandes de la Croix Rouge resteront jusqu’en septembre ; nous serons cinq pour remplacer onze Sœurs bien stylées ».
Le 22 juillet 1919, un traité est passé à Metz entre :
- Messieurs les Administrateurs de l’Hôpital des Mineurs d’Algrange, représenté par Monsieur le Docteur GRIMAULT
- et Sœur LENZBOURG, Visitatrice des Filles de la Charité de la Province Alsace-Lorraine
Les sœurs prennent la Direction de l’hôpital en août 1919. Cinq sœurs arrivent de Belletanche et l’année suivante quatre autres sœurs les rejoignent.
Sœur BARROS-GOMES, Sœur servante de la Sainte Famille, s’occupe des deux maisons. Elle fait savoir qu’elle ne pourra pas continuer et que plus tard il sera préférable que la Sœur servante soit une sœur française mais l’allemand est encore précieux pour s’occuper des malades. L’hôpital connaît une surcharge de travail à cause de l’épidémie de typhus : pas de messe à l’hôpital, et l’église est éloignée. Elle espère une sœur pour la Pharmacie.
« Actuellement, nous avons 97 malades dont 25 espagnoles malades de fièvres intermittentes qu’elles ont apportées d’Espagne. Le médecin chef est français, les autres sont lorrains et alsaciens. Le directeur de l’usine se montre très bienveillant ainsi que les directeurs des quatorze mines dont les malades ont droit à l’hôpital… ».
En janvier 1920, Sœur VOISIN demande une sœur pour la chirurgie, la dépense et la veille. En février, elle signale à nouveau le besoin urgent d’une sœur.
Sœur BLANCHOT est à Algrange de juillet 1924 à juillet 1937 ; elle deviendra Supérieure générale en 1946.
Dans cette région très industrielle où se trouvent mélangées nationalités et religions, nombreux sont les malades, blessés des usines et des mines, qui viennent recevoir les soins. Cette région très ouvrière est bien destinée aux Filles de la Charité pour le service des pauvres.
Mais la Compagnie des Filles de la Charité connaît une diminution des vocations ; il faut envisager de restreindre le nombre d’établissements. Les choix sont difficiles : « Un personnel hospitalier qualifié pourra pallier le départ des sœurs infirmières sans que le malade en souffre ; le départ des sœurs de la Sainte Famille entraînerait la suppression de l’école ménagère. Ainsi la communauté de l’hôpital disparaîtra plutôt que la communauté de la Sainte-Famille ».
Le départ de la communauté de l’hôpital a lieu le 30 mai 1968.